HIZIA: contée et chantée

Publié le

vendredi 17 octobre 2008

HIZIA, contée et chantée

Version contée et chantée de Hizia

Hizia, une histoire d'amour nomade

Hizia une histoire d'amour nomade Hizia, le nom d’une jeune femme issue de la famille dominante des Bouakkaz de la puissante tribu des Dhouaouda (descendants, selon certains dires, des tribus des Beni Hilal qui avaient envahi le Maghreb vers le XIe siècle ap. J. C. venant d’Arabie) qui régnait en ce 19eme siècle sur toute la région du Zab et dont les terres de parcours et de transhumance s’étendaient des riches plaines de Sétif au Nord jusqu’à l’oasis de Ouled Djellal au Sud, et bien plus loin encore si l’on jugeait par l’influence de son Cheikh el Arab (titre donné à son chef qui signifie littéralement : Chef des Arabes) à l’époque. Hizia, fille d’Ahmed ben el Bey, était amoureuse de son cousin Saïyed, orphelin recueilli dès sa tendre enfance par son oncle, puissant notable de la tribu et père de Hizia.Benguitoun, dans son poème, fixe la date de la mort de Hizia à 1295 de l’Hégire, soit 1878 de l’ère chrétienne. Elle avait alors 23 ans, nous dit-il. Hizia serait donc née en 1855.La cause de son décès fut et reste encore une énigme. Le poème ne nous révèle rien sinon qu’elle fut subite : un mal soudain entre deux haltes, à Oued Tell (une localité à 50km au sud de Sidi Khaled) au retour de la tribu de son séjour saisonnier dans le Nord. La vérité, bien sûr, on ne la saura jamais !Saiyed eut recours, trois jours après la mort de Hizia, aux services du poète Benguitoun pour écrire un poème à la mémoire de sa bien-aimée. Plus tard, d'après certains dires, le malheureux cousin s’exilera loin de sa tribu et vivra en solitaire dans l’immensité du désert des Ziban jusqu'à sa mort. Quoiqu’il en soit, le poème est là pour témoigner de cet amour fou qu’avait porté un jeune homme pour une jeune femme qui valait, à ses yeux, tout ce qu’il y avait de précieux en ce monde et que le poète a chanté avec les paroles du bédouin, langue pure du vécu, langue vivante de tous les jours. A travers les yeux de Saïyed, le poète Benguitoun a chanté la beauté de cette femme et décrit les merveilles de son corps, osant lever le voile sur des jardins secrets et nous offrir, à travers les âges, un hymne à l’Amour, un hymne à la Beauté, un hymne à la Femme. Voilà ce qui, en dernier lieu, pourrait rester de Hizia jusqu’à l’éternité, tant qu’il y aura des poètes pour chanter ce nomadisme existentiel propre au commun des mortels

HIZIA, une histoire d'Amour nomade

"Hiziya", qaçida badawiya composée par Ould Seghir et chantée respectivement par Ben Guitoun, Ababsa et Ahmedi Khelifi.
Je mets quelques extraits dans le texte original puis la traduction tout entière et ...... les deux seules interprétations qui nous sont parvenues :
Khelifi Ahmed : http://www.wat.tv/swf2/803640nSKV0Kg718548
Ababsa : http://www.wat.tv/swf2/121926184fRTt718231
(apparemment, il y a un souci technique pour écouter Ababsa ! )http://www.dailymotion.com/video/x4a2jx_khelifi-ahmed-hiziya
Essayer aussi http://www.okbob.net/article-16509989.html : sous le titre de Ababsa - Hizya,

« Amis, consolez-moi; je viens de perdre la reine des belles. Elle repose sous terre. Un feu ardent brûle en moi ! Ma souffrance est extrême. Mon coeur s'en est allé, avec la svelte Hiziya. Hélas ! Plus jamais je ne jouirai de sa compagnie. Finis les doux moments, où, comme au printemps, les fleurs des prairies, nous étions heureux. Que la vie avait pour nous de douceurs ! Telle une ombre, la jeune gazelle a disparu, en dépit de moi ! Lorsqu'elle marchait, droit devant elle, ma bien-aimée était admirée par tous.Tel le bey du camp qui s'avance un cimeterre à la ceinture. Entouré de soldats et suivi de cavaliers qui sont venus à sa rencontre, pour lui remettre chacun un présent; Armé d'un sabre d'Inde, il lui suffit de faire un geste de la main, pour partager une barre de fer, ou fendre un roc. Il a tué un grand nombre d'hommes, ennemis du bien.Orgueilleux et superbe, il s'avance fièrement. C'est assez glorifier le bey !Dis-nous, chanteur, dans une nouvelle chanson les louanges de la fille d'Ahmad ben El-Bey. Amis, consolez-moi; je viens de perdre la reine des belles. Elle repose sous terre. Un feu ardent brûle en moi !Ma souffrance est extrême. Mon coeur s'en est allé, avec la svelte Hiziya. Lorsqu'elle laisse flotter sa chevelure, un suave parfum s'en dégage. Ses sourcils forment deux arcs bien dessinés, telle la lettre non tracée dans un message. Ton oeil ravit les coeurs, telle une balle de fusil européen, qui aux mains des guerriers, atteint sûrement le but. Ta joue est la rose épanouie du matin, et le brillant oeillet; le sang qui l'arrose lui donne l'éclat du soleil. Tes dents ont la blancheur de l'ivoire, et, dans ta bouche étincelante, la salive a la douceur du lait des brebis ou du miel qu'apprécient tant les gourmets. Admire ce cou plus blanc que le coeur du palmier. C'est un étui de cristal, entouré de colliers d'or. Ta poitrine est de marbre; il s'y trouve deux jumeaux, que mes mains ont caressés, semblables aux belles pommes qu'on offre aux malades.Ton corps a la blancheur et le poli du papier, du coton ou de la fine toile de lin,ou encore de la neige, tombant par une nuit obscure. Hiziya a la taille fine; sa ceinture penche de côté, et ses tortis entremêlés retombent sur son flanc repli par repli. Contemple ses chevilles; chacune est jalouse de la beauté de l'autre;lorsqu'elles se querellent elles font entendre le cliquetis de leurs khelkhals, surmontant les brodequins.Quand nous campions à Bazer, je me rendais auprès d'elle le matin; Alors nous goûtions les joies de ce monde. Je saluais la gazelle; j'observais les présages; heureux comme un homme fortuné, possédant les trésors de l'univers. La richesse n'avait pour moi aucune valeur,comparée au tintement des khelkhals de Hiziya, quand je franchissais les collines pour aller la rencontrer. Lorsqu'au milieu des prairies, elle balançait son corps avec grâce, et faisait résonner son khelkhal, ma raison s'égarait; un trouble profond envahissait mon coeur et mes sens. Après avoir passé l'été dans le Tell, nous redescendîmes vers le Sahara, ma belle et moi. Les litières étaient fermées; la poudre retentissait; mon cheval gris m'entraînait vers Hiziya. (…) A combien de réjouissances avons-nous pris part ! Mon cheval gris, disparaissait presque dans l'arène,derrière un rideau de poussière, on aurait dit un fantôme. Ma belle était grande comme la hampe d'un étendard; ses dents, lorsqu'elle souriait, formaient une rangée de perles; elle parlait par allusions, me faisant ainsi comprendre (ce qu'elle voulait dire).La fille de Hmida brillait, telle l'étoile du matin; elle éclipsait ses compagnes, semblable à un palmier qui seul, dans le jardin, se tient debout, grand et droit. Le vent l'a déraciné, il l'a arraché en un clin d'oeil. Je ne m'attendais pas à voir tomber ce bel arbre; je pensais qu'il était bien protégé. Mais j'ignorais que Dieu, souverainement bon, allait la rappeler à Lui.Le Seigneur a abattu (ce bel arbre). Je reprends mon récit. Nous avons campé ensemble sur l'Oued Ithel; c'est là que la reine des jouvencelles me dit adieu. C'est cette nuit-là qu'elle passa de vie à trépas; c'est là que la belle aux yeux noirs quitta ce monde. Elle se tenait serrée contre ma poitrine, lorsqu'elle rendit l'âme. Les larmes remplirent mes yeux et s'écoulaient sur mes joues. Je pensais devenir fou, et me mis à errer dans la campagne, parcourant tous les ravins des montagnes et des collines.Elle a ravi mon esprit et enflammé mon coeur, la belle aux yeux noirs, issue d'une race illustre. On enveloppa d'un linceul, la fille de notable; ce spectacle a augmenté ma fièvre, et ébranlé mon cerveau.On la mit dans un cercueil, la belle aux magnifiques pendants d'oreilles.Je demeurais stupide, ne comprenant pas ce qui m'arrivait. On emporta dans un palanquin, embelli par des ornements, la belle, cause de mes chagrins, qui était grande, telle la hampe d'un étendard. Sa litière était ornée de broderies bigarrées, scintillantes comme les étoiles et colorées comme un arc-en- ciel, au milieu des nuages, quand vient le soir. Elle était tendue de soie et tapissée de brocart. Et moi, comme un enfant, je pleurais la mort de la belle Hiziya. Que de tourments j'ai endurés pour celle dont le profil était si pur ! Je ne pourrai plus vivre sans elle. Elle est morte du trépas des martyrs, la belle aux paupières teintées d'antimoine ! On l'emporta vers un pays nommé Sidi Khaled. Elle se trouva la nuit sous les dalles du sépulcre,celle dont les bras étaient ornés de tatouages; mes yeux ne devraient plus revoir la belle aux yeux de gazelle. Ô fossoyeur ! Ménage l'antilope du désert; ne laisse point tomber de pierres, sur la belle Hiziya ! Je t'en adjure, par le livre saint, ne fais point tomber de terre sur celle qui brille comme un miroir.S'il fallait la disputer à des rivaux, je fondrais résolument sur trois troupes de guerriers. Je l'enlèverais par la force des armes aux ennemis. Dussé-je le jurer par la tête de la belle aux yeux noirs, je ne compterais pas mes adversaires, fussent-ils au nombre de cent. Si elle devait rester au plus fort, je jure que nul ne pourrait me la ravir;j'attaquerais, au nom de Hiziya, une armée entière. Si elle devait être le trophée d'un combat, vous entendriez le récit de mes exploits; je l'enlèverais de haute lutte, devant témoins. S'il fallait la mériter au cours de rencontres tumultueuses, je combattrais durant des années, pour elle. Je la conquerrais au prix de persévérants efforts, car je suis un cavalier intrépide. Mais puisque telle est la volonté de Dieu, maître des mondes, je ne puis détourner de moi cette calamité. Patience ! Patience ! J'attends le moment de te rejoindre : je pense à toi, ma bien-aimée, à toi seule !Amis, mon cheval me fendait le coeur,lorsqu'il s'élançait en avant (attristé par la perte de Hiziya). Après la mort de ma bien-aimée, il s'en est allé, et m'a quitté. Mon cheval était plus rapide que tous les autres chevaux du pays; dans les échauffourées, on le voyait en tête du peloton. Quels prodiges n'accomplissait-il pas sur le champ de bataille ! Il se montrait au premier rang. Sa mère descendait du fameux Rakby.Combien il excellait dans les joutes entre les douars, à la suite de la tribu en marche; je tournoyais avec lui insouciant de ma destinée ! Un mois plus tard, il m'avait quitté; trente jours après Hiziya. Cette noble bête mourut; le voilà au fonds d'un précipice; il ne survécut pas à ma bien-aimée. Tous deux sont partis pour toujours. Les rênes de mon cheval gris sont tombées de mes mains.Ô Douleur ! Dieu, en les rappelant à lui, m'a enlevé toute raison de vivre. Mon âme est près de s'éteindre, après leur cruelle perte. Je pleure cette séparation, comme pleure un amoureux. Mon coeur se consume chaque jour davantage; ma vie n'a plus de sens. Pourquoi pleurez-vous mes yeux ? Nul doute que les plaisirs du monde vous raviront. Ne me ferez-vous point grâce ? La belle aux cils noirs a ravivé mes tourments; celle qui faisait la joie de mon coeur repose sous la terre. Je pleure la belle aux dents de perles; mes cheveux ont blanchi ;et mes yeux ne peuvent supporter cette séparation. Le soleil qui nous a éclairé, est monté au Zénith, se dirigeant vers l'Occident; il s'est éclipsé après avoir été le sommet de la voûte céleste, au milieu du jour.La lune qui se montre à nous, a brillé pendant le mois du Ramadhan, puis a disparu du ciel, après avoir fait ses adieux au monde.Ce poème, je le dédie à la mémoire de la reine du siècle, fille d'Ahmed et descendante de l'illustre tribu des Douaouda. Telle est la volonté de Dieu, mon Maître Tout-Puissant. Le Seigneur a manifesté sa volonté, et a rappelé à lui Hiziya. Mon Dieu ! Donne-moi la patience; mon coeur meurt de son mal, emporté par l'amour de la belle, qui a quitté ce monde. Elle vaut deux cents chevaux de race, et cent cavales issues de Rakby. Elle vaut mille chameaux; elle vaut une forêt de palmiers des Ziban. Elle vaut tout le pays du Djérid; elle vaut le pays des noirs et des milliers de Haoussas. Elle vaut les Arabes du Tell et du désert, ainsi que tous les campements des tribus, aussi loin que puissent atteindre les caravanes, voyageant à travers les cols des montagnes. Elle vaut ceux qui mènent la vie bédouine et ceux qui habitent les continents. Elle vaut ceux qui se sont installés dans des demeures permanentes et mènent une vie de citadins. Elle vaut les trésors, la belle aux beaux yeux; et si cela ne suffit pas, ajoutes-y les habitants des villes. Elle vaut les troupeaux des tribus, les bijoux, les palmiers des oasis, le pays des Chaouias. Elle vaut ce que renferment les océans; elle vaut les Bédouins et citadins vivant au delà du Djebel Amour, et jusqu'à Ghardaïa. Elle vaut, elle vaut le Mzab et les plaines du Zab, hormis les saints et les marabouts. Elle vaut les chevaux recouverts de riches carapatons, et l'étoile du soir; cela est peu, trop peu, pour ma bien-aimée, unique remède à mes maux. Je demande pardon au Seigneur; qu'il ait pitié de ce malheureux ! Que Mon Seigneur et maître pardonne à celui qui gémit à ses pieds ! Elle avait vingt-trois ans, la belle à l'écharpe de soie. Mon amour l'a suivie; il ne renaîtra jamais dans mon coeur. Consolez-moi de la perte de la reine des gazelles. Elle habite la demeure des ténèbres, l'éternel séjour.
Jeunes amis ! Consolez-moi de la perte du faucon. Elle n'a laissé que le lieu où sa famille a campé, et qui porte son nom. Bonnes gens ! Consolez-moi de la perte de la belle aux khelkhals d'argent pur; on l'a recouverte d'un voile de pierre reposant sur des fondations bien bâties.
Amis ! Consolez-moi de la perte de la cavale de Dhyab qui n'eut d'autre maître que moi. J'avais de mes mains tatoué de dessins quadrillés, la poitrine de la belle à la fine tunique, ainsi que ses poignets. Bleus comme le col du ramier, leurs traits ne se heurtaient pas ; ils étaient parfaitement tracés, quoique sans plume ; seules mes mains avaient exécuté ce travail. J'avais dessiné ce tatouage entre ses seins, lui donnant d'heureuses proportions. Au-dessus des bracelets qui paraient ses poignets, j'avais écrit mon nom. Même sur ses chevilles, j'avais figuré un palmier ! Que ma main l'avait bien dessiné ! Ah ! La vie est ainsi faite ! Saiyed, toujours épris de toi, ne te reverra plus; le seul souvenir de ton nom, lui fait perdre ses sens. Pardonne-moi, Dieu compatissant ; pardonne aussi à tous les assistants ; Saiyed est triste; il pleure celle qui lui était si chère.
Aie pitié de l'amoureux, et pardonne à Hiziya; réunis-les dans le sommeil, Seigneur ! Ô Dieu, le Très-Haut. Pardonne à l'auteur, qui a composé ce poème ; son nom est formé de deux mim, d'un ha et d'un dal (Mohamed).
Ô Toi qui connais l'avenir ! Donne la résignation à cet homme, qui est fou (de douleur) ; je pleure comme un exilé ; mes larmes apitoieraient même mes ennemis. Je ne mange plus ; toute nourriture m'est devenue insipide ; mes paupières ne connaissent plus le sommeil.
Cette pièce a été composée trois jours seulement après la mort de celle qui me fit ses adieux, et ne revint plus vers moi. Ô vous qui m'écoutez !
Ce poème a été achevé en 1295 de l'Hégire. Ould Seghir a composé, au mois de l'Aid El-Kebir, cette chanson. A Sidi Khaled ben Sinan, Ben Guittoun a chanté celle que vous aviez vue vivante. "Mon coeur est parti avec la svelte Hiziya !"
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article